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En quoi les protéines sont-elle bénéfiques pour la santé osseuse ?

18 août 2020

 

Tout au long de notre vie, nos capacités physiques évoluent : elles augmentent progressivement avec l’âge jusqu’à atteindre leur maximum entre 20 et 30 ans1 puis, à la suite d’une phase de stagnation, survient une phase de déclin.2  Le début de cette phase dépend de nombreux facteurs, notamment la génétique, l’alimentation, l’activité sportive, ainsi que l’état de santé global.3 Avec l’âge, certaines complications peuvent surgir notamment au niveau osseux. Après 50 ans, il n’est en effet pas rare d’observer une fragilisation progressive des os : c’est l’ostéopénie.

 

L’ostéopénie ? Quelle différence y a-t-il avec l’ostéoporose dont on entend régulièrement parler ?

Comme le montre la figure 1, il est possible de simplifier l’évolution de la dégradation de la santé osseuse en 3 étapes. Avant 50 ans, la densité minérale est globalement normale, les os sont solides. Puis les premières complications s’installent : les os commencent à se fragiliser et le risque de fracture augmente. C’est l’ostéopénie. A ce stade, l’objectif est de faire en sorte de renforcer sa masse osseuse afin de retarder au maximum l’ostéoporose, voire même de retrouver une bonne santé osseuse. Si rien n’est fait, le squelette va continuer à se dégrader : on assiste alors à une déminéralisation osseuse caractéristique de l’ostéoporose (figure 2).4

 

 Evolution de la dégradation de la santé osseuse chez l’Homme à partir de 50 ans

Figure 1 : Evolution de la dégradation de la santé osseuse chez l’Homme à partir de 50 ans.5

 

Evaluation de la densité osseuse en fonction du score de densité osseuse. Plus ce score est bas, plus les os sont poreux et donc fragilisés

Figure 2 : Evaluation de la densité osseuse en fonction du score de densité osseuse. Plus ce score est bas, plus les os sont poreux et donc fragilisés.6

 

Est-ce que ces complications concernent tout le monde ?

Oui, avec l’âge, il est parfaitement naturel d’observer une santé osseuse en régression. Cependant, certains facteurs peuvent potentiellement augmenter le risque de survenu de ces complications : le genre (en moyenne, durant leur vie, plus de la moitié des femmes seront atteintes d’une fracture ostéoporotique contre seulement un tiers des hommes)7, l’exposition à certaines substances nocives (alcool, cigarette), l’alimentation et l’activité physique.8

 

Est-il donc possible de réduire le risque de fragilisation osseuse en agissant sur notre mode de vie ?

Exactement, et nous allons en particulier nous pencher sur l’alimentation. Il est en effet connu que le calcium et la vitamine D sont absolument indispensables afin d’assurer une bonne santé osseuse. C’est ainsi qu’à partir de l’âge de 50 ans, les apports journaliers recommandés sont de 1200mg/j pour le calcium, et 10µg/j pour la vitamine D.9

Néanmoins, ce ne sont pas les deux seuls nutriments nécessaires à considérer. En effet, une étude du « Current Osteoporosis Report » a démontré que de nombreux nutriments (figure 3) comme par exemple les protéines, affectent positivement la santé osseuse.10

 

Nutriments agissant positivement sur la santé osseuse

Figure 3 : Nutriments agissant positivement sur la santé osseuse.10

 

Les protéines seraient bénéfiques pour les os ? Je pensais pourtant que c’était l’inverse…

Il s’agit d’une idée reçue. Avant de démontrer leurs effets bénéfiques sur la santé osseuse, il a d’abord été observé que la consommation de protéines entraînait une augmentation de la concentration en calcium dans les urines. Ainsi, nous avons, dans un premier temps, pensé que les protéines seraient néfastes pour les os puisqu’elles entraîneraient une déminéralisation osseuse.11

Or cette conclusion était bien trop hâtive : en effet, bien qu’une consommation accrue de protéines augmente la sécrétion de calcium par voie urinaire, elles augmentent également l’absorption de ce dernier au niveau intestinal. Et ceci a notamment été prouvé au cours d’une étude de 2003 publiée dans le « American Journal of Clinical Nutrition ». Comme le montre la figure 4, une alimentation riche en protéines (2,1g/kg de masse corporelle) permet d’atteindre une absorption intestinale du calcium de 26,3% contre seulement 18,4% pour une alimentation faible en protéines (0,7g/kg de masse corporelle). Ceci représente une augmentation non négligeable de l’absorption du calcium de 43%.12 13

 

Changements individuels de la concentration urinaire de calcium et de l’absorption intestinale de calcium sur 24h en réponse à une alimentation « faible » (0,7g/kg) et « élevée » (2,1g/kg) en protéines chez 20 femmes en bonne santé

Figure 4 : Changements individuels de la concentration urinaire de calcium et de l’absorption intestinale de calcium sur 24h en réponse à une alimentation « faible » (0,7g/kg) et « élevée » (2,1g/kg) en protéines chez 20 femmes en bonne santé.12 13

 

D’après la figure 4, la diète « élevée » en protéines (2,1g/kg) entraîne une augmentation de l’excrétion du calcium par voie urinaire de 2 mmol sur 24h (3,4 à 5,4 mmol/j).

Connaissant l’apport journalier de calcium dans la diète imposée lors de l’étude (20 mmol/j), il est possible d’en déduire la quantité absorbée avec la diète « faible » (0,7g/kg) et la diète « élevée » (2,1g/kg) en protéines : 3,7mmol avec la première (18,4% de 20mmol), et 5,3mmol avec la seconde (26,3% de 20mmol). Par conséquent, cette dernière a permis d’absorber 1,6mmol de calcium supplémentaire sur 24h.12

Ainsi, la majeure partie de l’augmentation de l’excrétion du calcium s’explique par une augmentation de son absorption au niveau intestinal.

 

Mais il n’y a pas que l’excrétion du calcium : on raconte que les protéines sont considérées comme « acides » pour l’organisme et le placent donc dans des conditions favorables à la déminéralisation osseuse. Est-ce vrai ?

Il est vrai que l’on considère souvent les protéines comme étant « acides » pour l’organisme, en opposition aux fruits et légumes considérés comme « alcalins ». Mais est-ce qu’une alimentation « acide » ou « alcaline » a un impact sur la santé osseuse ? Ceci a été l’objet d’une analyse menée en 2013 par Hanley et Whiting qui ont compilé les résultats de différentes études sur le sujet. Ils ont ainsi conclu que les preuves soutenant le rôle des protéines dans le développement de l’ostéoporose ne sont pas cohérentes et que, parallèlement, une diète plus « alcaline » n’apparaît pas particulièrement plus bénéfique pour la santé osseuse.14

Pour résumer cette review, il n’existe aucun lien entre la santé osseuse et une alimentation « acide » ou « alcaline ».

 

 

Très bien, mais alors en quoi les protéines affectent la santé osseuse ? Les os ne sont pourtant pas constitués de protéines…

Et bien si : contrairement à une idée populaire selon laquelle les os sont constitués de matière inerte, ceux-ci contiennent des protéines et en particulier du collagène.15 Comme toutes les protéines, elles se dégradent et se regénèrent perpétuellement : c’est le turn-over protéique, qui a notamment été vu plus en profondeur dans notre article de blog « Pourquoi les athlètes d’endurance ont-ils besoin de plus de protéines ? ». Par conséquent, un apport accru de protéines par l’alimentation permet d’assurer correctement ce turn-over protéique et préserve donc la santé osseuse.

Mais ce n’est pas tout puisqu’une review de 2011 suggère que les protéines alimentaires pourraient agir sur différents mécanismes de notre organisme et ainsi avoir un impact positif sur la santé osseuse16 :

  • En améliorant l’absorption intestinale du calcium comme nous l’avons vu précédemment.12
  • En réprimant la parathormone, une hormone favorisant l’ostéolyse (déminéralisation osseuse) lorsque sa concentration est trop importante. A l’inverse, à faible dose, cette hormone soutient la reminéralisation osseuse. Sa répression est donc positive pour la santé osseuse.17
  • En augmentant la production d’IGF-1, une hormone contribuant positivement à la minéralisation osseuse.18
  • En augmentant la masse musculaire, protégeant ainsi mieux les os et réduisant le risque de chute et donc de fracture. Une étude de cohorte de 5 ans achevée en 2009 a notamment démontré le lien positif entre l’augmentation de la masse musculaire et la santé osseuse chez les personnes âgées.19

 

Quels sont donc les aliments à privilégier pour assurer une bonne santé osseuse ?

La réponse est simple : il faut des aliments sources de protéines, de vitamines (et en particulier de vitamine D) et de minéraux (calcium, magnésium, potassium). L’idéal est alors de sélectionner des aliments contenant les protéines les plus complètes possible, donc riches en acides aminés essentiels A.

C’est pourquoi le lait et les produits laitiers constituent d’excellents aliments préservant la santé osseuse. En effet, comme nous l’avons détaillé dans notre article « Comment définir la qualité d’une protéine ? » les protéines du lait sont une bonne source d’acides aminés essentiels. Par ailleurs, les minéraux du lait et notamment le calcium sont particulièrement biodisponibles B.20 21 Enfin les produits laitiers contiennent de nombreuses vitamines, telles que la D, K, B9 et B12, indispensables pour les os de notre organisme.22

 

Ainsi, il est primordial d’apporter des aliments riches en nutriments essentiels à la santé osseuse pour les populations les plus à risque, notamment les seniors et personnes âgées. Comme nous l’avons vu au cours de cet article ou même dans de précédents tel que « Quelles sont les protéines les plus adaptées pour répondre aux besoins des personnes âgées ? », le lait et les protéines laitières peuvent constituer un élément de choix pour répondre à cette demande.

 

*A [Acide aminé essentiel] : Acide aminé que l’organisme n’est pas capable de synthétiser et qu’il est indispensable d’apporter par l’alimentation

*B [Biodisponible] : relatif à l’absorption et l’utilisation d’un élément par l’organisme. Plus un nutriment est biodisponible, plus celui-ci est absorbé et utilisé par l’organisme.

 

Pour plus d’informations, n’hésitez pas à nous contacter.

Auteurs : Rémi Maleterre & Audrey Boulier.

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[1] David B. Burr, “Muscle Strength, Bone Mass, and Age-Related Bone Loss,” Journal of Bone and Mineral Research 12, no. 10 (1997): 1547–51, https://doi.org/10.1359/jbmr.1997.12.10.1547.

 

[2] Douglas Paddon-Jones and Blake B. Rasmussen, “Dietary Protein Recommendations and the Prevention of Sarcopenia,” Current Opinion in Clinical Nutrition and Metabolic Care 12, no. 1 (January 2009): 86–90, https://doi.org/10.1097/MCO.0b013e32831cef8b.

 

[3] Taylor J. Marcell, “Review Article: Sarcopenia: Causes, Consequences, and Preventions,” The Journals of Gerontology: Series A 58, no. 10 (October 1, 2003): M911–16, https://doi.org/10.1093/gerona/58.10.M911.

 

[4] David L. Glaser and Frederick S. Kaplan, “Osteoporosis. Definition and Clinical Presentation,” Spine 22, no. 24 Suppl (December 15, 1997): 12S-16S, https://doi.org/10.1097/00007632-199712151-00003.

 

[5] “Osteoporosis vs Osteopenia: Know the Difference,” OrthoAtlanta, accessed February 27, 2020, https://www.orthoatlanta.com/media/osteoporosis-vs-osteopenia-know-the-difference.

 

[6] Harvard Health Publishing, “Osteopenia: When You Have Weak Bones, but Not Osteoporosis,” Harvard Health, accessed February 27, 2020, https://www.health.harvard.edu/womens-health/osteopenia-when-you-have-weak-bones-but-not-osteoporosis.

 

[7] Philip D. Ross, “Osteoporosis: Frequency, Consequences, and Risk Factors,” Archives of Internal Medicine 156, no. 13 (July 8, 1996): 1399–1411, https://doi.org/10.1001/archinte.1996.00440120051005.

 

[8] Farkhondeh Pouresmaeili et al., “A Comprehensive Overview on Osteoporosis and Its Risk Factors,” Therapeutics and Clinical Risk Management 14 (November 6, 2018): 2029–49, https://doi.org/10.2147/TCRM.S138000.

 

[9] John A. Sunyecz, “The Use of Calcium and Vitamin D in the Management of Osteoporosis,” Therapeutics and Clinical Risk Management 4, no. 4 (August 2008): 827–36, https://doi.org/10.2147/tcrm.s3552.

 

[10] Shivani Sahni et al., “Dietary Approaches for Bone Health: Lessons from the Framingham Osteoporosis Study,” Current Osteoporosis Reports 13, no. 4 (August 2015): 245–55, https://doi.org/10.1007/s11914-015-0272-1.

 

[11] Jane E. Kerstetter and Lindsay H. Allen, “Protein Intake and Calcium Homeostasis,” in Nutrition and Osteoporosis, ed. Harold H. Draper, vol. 9, Advances in Nutritional Research (Boston, MA: Springer US, 1994), 167–81, https://doi.org/10.1007/978-1-4757-9092-4_10.

 

[12] Jane E. Kerstetter, Kimberly O. O’Brien, and Karl L. Insogna, “Dietary Protein, Calcium Metabolism, and Skeletal Homeostasis Revisited,” The American Journal of Clinical Nutrition 78, no. 3 (September 1, 2003): 584S-592S, https://doi.org/10.1093/ajcn/78.3.584S.

 

[13] J. E. Kerstetter, K. O. O’Brien, and K. L. Insogna, “Dietary Protein Affects Intestinal Calcium Absorption,” The American Journal of Clinical Nutrition 68, no. 4 (October 1998): 859–65, https://doi.org/10.1093/ajcn/68.4.859.

 

[14] David A. Hanley and Susan J. Whiting, “Does a High Dietary Acid Content Cause Bone Loss, and Can Bone Loss Be Prevented with an Alkaline Diet?,” Journal of Clinical Densitometry: The Official Journal of the International Society for Clinical Densitometry 16, no. 4 (December 2013): 420–25, https://doi.org/10.1016/j.jocd.2013.08.014.

 

[15] Bach Quang Le et al., “The Components of Bone and What They Can Teach Us about Regeneration,” Materials 11, no. 1 (December 22, 2017): 14, https://doi.org/10.3390/ma11010014.

 

[16] Jane E. Kerstetter, Anne M. Kenny, and Karl L. Insogna, “Dietary Protein and Skeletal Health: A Review of Recent Human Research,” Current Opinion in Lipidology 22, no. 1 (February 2011): 16–20, https://doi.org/10.1097/MOL.0b013e3283419441.

 

[17] G. Lombardi et al., “The Roles of Parathyroid Hormone in Bone Remodeling: Prospects for Novel Therapeutics,” Journal of Endocrinological Investigation 34, no. 7 Suppl (July 2011): 18–22.

 

[18] J. P. Bonjour et al., “Protein Intake and Bone Growth,” Canadian Journal of Applied Physiology = Revue Canadienne De Physiologie Appliquee 26 Suppl (2001): S153-166, https://doi.org/10.1139/h2001-050.

 

[19] Xingqiong Meng et al., “A 5-Year Cohort Study of the Effects of High Protein Intake on Lean Mass and BMC in Elderly Postmenopausal Women,” Journal of Bone and Mineral Research: The Official Journal of the American Society for Bone and Mineral Research 24, no. 11 (November 2009): 1827–34, https://doi.org/10.1359/jbmr.090513.

 

[20] Elizabeth F. Buzinaro, Renata N. Alves de Almeida, and Gláucia M. F. S. Mazeto, “[Bioavailability of dietary calcium],” Arquivos Brasileiros De Endocrinologia E Metabologia 50, no. 5 (October 2006): 852–61, https://doi.org/10.1590/s0004-27302006000500005.

 

[21] Léon Guéguen and Alain Pointillart, “The Bioavailability of Dietary Calcium,” Journal of the American College of Nutrition 19, no. sup2 (April 1, 2000): 119S-136S, https://doi.org/10.1080/07315724.2000.10718083.

 

[22] Frédéric Gaucheron, “Milk and Dairy Products: A Unique Micronutrient Combination,” Journal of the American College of Nutrition 30, no. 5 Suppl 1 (October 2011): 400S-9S, https://doi.org/10.1080/07315724.2011.10719983.